Convictions Immobilières Europe : 1er trimestre 2022
À l’heure où le monde commençait à sortir de deux années de crise sanitaire, l’invasion russe en Ukraine a rebattu les cartes économiques et le risque d’une fragmentation géopolitique majeure du monde devient réel.
Cette division en blocs, si elle se matérialise, pourrait avoir un impact sur une longue période. Pour l’heure, la croissance mondiale qui ressort maintenant à 3,6% en 2022 a été revue à la baisse en raison de la guerre en Ukraine et des sanctions occidentales envers la Russie. L’inflation, le resserrement des politiques monétaires, la dégradation du contexte sanitaire en Chine qui va entraîner de nouvelles difficultés d’approvisionnement ou le risque de résurgence pandémique sont autant d’éléments qui font peser de fortes incertitudes sur l’activité en 2022.
Avec un conflit à ses portes, l’Europe renoue avec un niveau élevé d’incertitude. La croissance de la zone euro a été revue à la baisse mais reste en territoire positif (+2,8%) impactée par une consommation et une activité industrielle plus modérée ainsi qu’une inflation plus forte et plus longue. Toutefois, il semble que cette nouvelle crise n’impactera pas de la même manière les économies européennes en raison de la disparité de la hausse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires ainsi que par une résurgence des contraintes d’offre. Les pays qui devraient sous-performer la moyenne de la zone euro sont la Finlande (+1,5%), l’Allemagne (+2,0%), la Belgique (+2,1%), l’Autriche (+2,4%) alors que l’Italie (+2,8%), la France (+3,0%), les Pays-Bas (+3,2%), l’Irlande (+3,8%), le Portugal (+4,8%) et l’Espagne (+4,8) devraient surperformer.
Le double choc du Covid entrainant des goulets d’étranglement des chaînes d’approvisionnement ainsi que la guerre en Ukraine et la crise énergétique et alimentaire, a généré une inflation élevée lors du premier trimestre 2022. La BCE doit donc naviguer avec la plus grande prudence entre risque inflationniste et celui d’une récession, ce qui pourrait renforcer le scenario de la stagflation. Pour l’heure, l’inflation en zone euro a atteint un sommet historique à 7,5% en mars. L’IPC (indice des prix à la consommation) dans la zone euro a donc été révisé à la hausse et est attendue à 5,9% en 2022. L’institution de Francfort préfère évoquer une « normalisation » de sa politique plus qu’un resserrement monétaire même si cette option se renforce avec deux hausses potentielles avant la fin de l’année 2022 (+1,0%). Cette remontée des taux acterait donc la fin de l’ère des rendements négatifs, mais pas nécessairement celle des taux bas. Ce scénario est déjà anticipé par les investisseurs puisqu’ils ont intégré une sortie du territoire négatif des taux avec pour corollaire un spread qui s’accentue à nouveau entre les économies.
Dans un contexte de fébrilité des bourses mondiales, le marché européen des biens immobiliers1 aura réalisé une accélération du volume d’investissement avec 70 milliards d’euros investis au premier trimestre 2022 (+18% sur un an). En raison du contexte incertain, les investisseurs ont poursuivi leur stratégie « core » dans les principaux marchés européens et ont vu se former des points d’entrée sur le commerce et l’hôtellerie qui ont connu des corrections trop fortes par rapport à leurs fondamentaux. Par principaux pays, les volumes d’investissement ont atteint au Royaume-Uni 21,8 milliards (+62%), en Allemagne 12,1 milliards d’euros (-12% sur un an), en France 9,6 milliards d’euros (+15%), en Italie 3,4 milliards d’euros (+121%), aux Pays-Bas 2,7 milliards d’euros (-22%) et en Espagne 2,2 milliards d’euros (16%). Les taux de rendement étaient à nouveau majoritairement stables lors du premier trimestre 2022. Toutefois, une compression des rendements a encore été constatée concernant les actifs les plus recherchés.
1Le marché des biens immobiliers désigne les bureaux, le commerce, la logistique, l’immobilier de services et le résidentiel destiné aux institutionnels.
Sources des données chiffrées : CBRE, Eurostat, FMI, RCA, Oxford Economics.
L'équipe Recherche
Henry-Aurélien Natter a rejoint Praemia REIM en tant que Responsable de la Recherche depuis janvier 2018. Il a pour mission de développer les analyses de la Direction Recherche & Stratégie sur l’ensemble des marchés immobiliers, de l’économie et des capitaux en France et en Europe
Henry-Aurélien Natter a débuté sa carrière chez Les Echos Etudes (ex-Eurostaf), puis chez C&W (ex-DTZ) et enfin chez BNP PRE, où il a acquis une expérience solide et variée de la recherche en immobilier, stratégie et finance. Il est diplômé d’une Maîtrise AES-Gestion des entreprises, d’un Master Degree en management et gestion des PME et d’un Master International en commerce et marketing.
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